Médiation familiale et violences conjugales : une alliance délicate mais nécessaire

Face à la recrudescence des violences conjugales, la médiation familiale s’impose comme une alternative prometteuse mais controversée. Quels sont les dispositifs légaux en place pour concilier protection des victimes et résolution pacifique des conflits ?

Le cadre juridique de la médiation familiale en France

La médiation familiale est encadrée par plusieurs textes législatifs en France. La loi du 8 février 1995 a introduit la médiation judiciaire dans le Code de procédure civile. Le décret du 2 décembre 2003 a défini le diplôme d’État de médiateur familial. Plus récemment, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a renforcé le recours à la médiation familiale.

Dans le contexte spécifique des violences conjugales, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales apporte des précisions importantes. Elle prévoit notamment que la médiation familiale est interdite en cas d’emprise manifeste d’un des conjoints sur l’autre.

Les dispositifs de médiation adaptés aux situations de violences

Malgré les réticences, certains dispositifs de médiation ont été adaptés pour prendre en compte les spécificités des situations de violences conjugales. La médiation navette permet par exemple d’éviter la confrontation directe entre les parties. Le médiateur rencontre séparément chaque personne et fait la navette entre elles.

La co-médiation est une autre approche intéressante. Elle fait intervenir deux médiateurs, souvent un homme et une femme, pour équilibrer les rapports de force. Cette configuration peut rassurer la victime et faciliter l’expression de chacun.

Certains tribunaux ont mis en place des protocoles spécifiques pour évaluer l’opportunité d’une médiation en cas de violences conjugales. Un questionnaire de dépistage peut être utilisé pour détecter les situations d’emprise et orienter vers d’autres dispositifs si nécessaire.

Le rôle clé des médiateurs familiaux formés aux violences conjugales

La formation des médiateurs familiaux aux spécificités des violences conjugales est cruciale. Le Conseil national consultatif de la médiation familiale recommande une formation complémentaire obligatoire sur ce sujet pour tous les médiateurs.

Cette formation permet aux médiateurs de mieux détecter les signes de violences, de comprendre les mécanismes d’emprise et d’adapter leur pratique. Ils apprennent notamment à poser un cadre sécurisant, à être vigilants aux rapports de domination et à orienter vers d’autres professionnels si besoin.

Certains médiateurs se spécialisent dans l’accompagnement des situations de violences conjugales. Ils travaillent en étroite collaboration avec les associations d’aide aux victimes, les services sociaux et les autorités judiciaires.

Les limites et les critiques de la médiation en contexte de violences

Malgré ces adaptations, la médiation familiale en contexte de violences conjugales reste très controversée. De nombreuses associations de protection des victimes s’y opposent fermement, considérant qu’elle fait courir des risques aux victimes et leurs enfants.

Les principales critiques portent sur le risque de revictimisation de la personne ayant subi des violences. La médiation pourrait en effet donner l’occasion à l’auteur des violences de maintenir son emprise ou d’exercer de nouvelles pressions psychologiques.

Il existe aussi un risque de banalisation des violences en les traitant comme un simple conflit à résoudre. La médiation pourrait alors occulter la dimension pénale des faits et la nécessité de protéger la victime.

Les alternatives à la médiation pour les victimes de violences conjugales

Face à ces limites, d’autres dispositifs légaux sont privilégiés pour accompagner les victimes de violences conjugales. L’ordonnance de protection, créée par la loi du 9 juillet 2010, permet au juge aux affaires familiales de prendre rapidement des mesures de protection sans attendre une plainte pénale.

Le téléphone grave danger est un autre dispositif important. Il permet à la victime d’alerter les forces de l’ordre en cas de danger imminent. Le bracelet anti-rapprochement, généralisé depuis 2020, complète ce dispositif en permettant de géolocaliser l’auteur des violences.

Les espaces de rencontre protégés permettent d’organiser l’exercice du droit de visite dans un cadre sécurisé, sous la surveillance de professionnels formés. Ils constituent une alternative à la médiation pour organiser les relations parent-enfant après une séparation dans un contexte de violences.

Vers une approche intégrée et sur-mesure

Face à la complexité des situations de violences conjugales, une approche intégrée et sur-mesure semble nécessaire. La justice restaurative, expérimentée dans certains tribunaux, propose par exemple une démarche globale associant sanctions pénales, réparation et médiation indirecte.

Le protocole féminicide, mis en place dans certains départements, vise à coordonner l’action de tous les acteurs (justice, police, associations, travailleurs sociaux) pour mieux prévenir les violences graves. Il peut inclure des dispositifs de médiation adaptés pour certaines situations.

L’enjeu est de proposer un accompagnement personnalisé, tenant compte à la fois de la sécurité de la victime, de l’intérêt des enfants et de la responsabilisation de l’auteur des violences. Cela implique une évaluation fine de chaque situation et une collaboration étroite entre tous les professionnels concernés.

La médiation familiale en contexte de violences conjugales reste un sujet complexe et sensible. Si elle peut apporter des réponses dans certaines situations, elle doit s’inscrire dans un dispositif global de protection des victimes. La formation des professionnels, l’adaptation des pratiques et la coordination des acteurs sont essentielles pour proposer un accompagnement à la fois sécurisant et respectueux des droits de chacun.